« Avec son initiative de « Corps pour XXII ème siècle », Lassina Koné et l’Association Don Sen Folo, sont en passe de réussir un grand challenge : Faire la promotion de la danse en valorisant la profession de danseur, mais en même temps prouver que l’art et la culture, notamment la danse, peut jouer pleinement un rôle dans l’immigration et la radicalisation ».
Depuis quelques années, le problème de l’immigration clandestine se pose avec beaucoup d’acuité dans les pays d’Afrique au Sud du Sahara. Il ne se passe plus de jour que l’on apprenne qu’une flottille transportant des migrants a chaviré dans la méditerranéen. Chose bizarre, ces nombreuses morts n’arrivent pas à dissuader les jeunes à entreprendre cette aventure meurtrière. « Nous n’avons pas d’emplois et aucune perspective ne s’offre à nous pour espérer une vie meilleure chez nous. Or, en Europe nous avons plus de chance d’avoir un travail et de nous réaliser ». Comme une berceuse, ce sempiternel argumentaire doit pousser les pays au sud du Sahara à explorer toutes les pistes qui pourront offrir des perspectives à leur jeunesse, afin de la mettre à l’abri de cette hécatombe de la méditerranéen.
Mais, en entendant que les états veuillent se réveiller de leur long sommeil, des initiatives privées, qui ne sont pas loin d’initiatives individuelles, souvent avec très peu de moyens, essaient de faire bouger les lignes, pour que la jeunesse africaine reste sur le continent. Et, si d’aventure, elle devait partir, ce n’est pas pour y rester.
Parmi ces initiatives, du côté du Mali, l’on peut citer le cas de l’Association culturelle « Don Sen Folo ». Sous l’impulsion de Lassina Koné, Jeune danseur malien, qui n’est plus à présenter sur la scène nationale et internationale de la danse contemporaine, l’Association Don Sen Folo ne ratte aucune occasion pour dire que la culture, notamment la danse, peut énormément contribuer à aider notre pays à endiguer le fléau de l’immigration, mais aussi à éloigner les jeunes de la l’oisiveté qui poussent certains dans des réseaux de radicalisation.
Travailler pour l’avenir de la danse au Mali
« Nous travaillons sur la préparation de l’avenir de la danse contemporaine au Mali afin que les danseurs puissent eux-mêmes œuvrer à la compréhension et à la diffusion de leur Art. Mais, surtout pour que vivre de son Art soit possible au Mali », nous a indiqué Lassina Koné.
Pour cela, dans le cadre de l’Association Don Sen Folo, Lassina Koné vient d’initier un programme ambitieux de formation de 3 ans de 18 danseurs et de 3 musiciens maliens. Chaque année, pendant 20 semaines, la vingtaine d’artistes sera formée à travers un certain nombre de modules : Le yoga, la danse, l’administration, la composition musicale, le théâtre et l’informatique.
Il faut dire
que ces modules n’ont été choisis au hasard. « Danser, c’est maîtriser son
corps. Et, le Yoga permet à l’artiste de connaître son corps et cela est très
important pour le danseur qui prend conscience de ses potentialités », a
indiqué Lassina Koné. Et, pour cette session qui a démarré le 1er octobre 2018
et prévue pour prendre fin le 9 décembre 2018, Fémanda Kanaté a été mise à
contribution pour dispenser les cours de Yoga du 1er au 14 octobre 2018, à la
vingtaine d’artistes regroupés.
De l’avis de Salamata Maïga, étudiante en 3ème année de danse au Conservatoire
Balla Fasséké Kouyaté, et stagiaire du programme « Corps pour le 22ème
siècle », le cours de Yoga vient de conforter la sensation de paix qu’elle
retrouve dans la danse. « Ces cours de Yoga, ont été bien pensés. Ils
m’ont permis de mieux maîtriser mon corps et surtout de connaître mes limites »,
a-t-elle ajouté.
Et, il n’y a
aucun doute, comme le Yoga, les autres modules vont amener la vingtaine
d’artistes à devenir meilleur dans la pratique leur métier d’artiste danseur.
Ainsi, selon Lassina koné, « aujourd’hui, en plus de la maîtrise de son art,
il faut que l’artiste ait des rudiments en administration et en informatique.
Pour donner des aptitudes à nos stagiaires, nous avons décidé de mettre à
contribution Agnès Quillet pour les cours en Administration et Ibrahim Issa
Maiga pour cours d’Informatique ».
En ce qui
concerne le module de la composition musicale, il dira que l’objectif n’est pas
de faire des danseurs stagiaires des musiciens, mais c’est de les amener à
prendre conscience que nos cultures regorgent d’un fond musical impressionnant qui
n’attend qu’à être valorisé. Ici, les artistes danseurs bénéficieront de
l’accompagnement de Bomou Aboubakar Bassa.
« Danser
sur une musique de notre patrimoine culturel malien, permet à nos spectateurs
de mieux comprendre l’histoire que nous racontons dans nos gestuelles », a
indiqué Lassina Koné. Avant d’ajouter qu’il est aussi prévu de donner des
notions de dramaturgie aux stagiaires. « Salif Berthé sera là pour aider
la vingtaine d’artistes à travailler leurs émotions sur scène. La danse étant
la synthèse de toutes les disciplines artistiques, il faut que l’artiste
danseur soit capable avec son corps de rendre toutes les émotions »,
a-t-il annoncé. Lassina Koné dira qu’en plus de la danse à proprement parlé où
des dans danseurs comme Fatoumata Bagayogo, Véronirina Julie Iarisoa, Lassina
Koné, Alou Cissé et Aly Karembé, seront mis à contribution, des disciplines
comme la communication et l’histoire sont au programme de la formation.
En réalité, ce sont les deux premières années du
programme qui sont consacrées à la création. Etant entendu que la troisième
année sera consacrée à des créations individuelles de spectacles de danse. Le
tout couronné par une tournée dans le Mali. « Chaque participant va créer
son spectacle. Et, chaque spectacle sera programmé dans 30 localités de la
région dont est originaire le stagiaire », nous indiqué Lassina Koné. Et,
dans le souci de vulgariser la danse à travers le Mali, dans une démarche qui
se veut pédagogique, il est prévu que dans les 30 localités qui recevront le spectacle,
le stagiaire devra prendre toutes les dispositions pour y organiser 3 heures
d’initiation à la danse et organiser un débat sur le métier du danseur.
La danse, créatrice d’emplois pour occuper une bonne partie de la jeunesse malienne
Intitulé
« projet « Corps pour XXIIème siècle » », cette initiative
est financée par la Fondation Doen, l’Institut Français du Mali, l’Association
Bilou Toguna, le Centre Culturel Koré de Ségou, Instruments4Africa, Art Moves
Africa, la MINUSMA et les familles de KALABAN Coro.
A travers
son programme « Corps pour XXII ème siècle », l’Association Don Sen
Folo, voudrait faire comprendre à la jeunesse malienne que le corps est un
outil de communication, un haut-parleur pour le Monde.
« La
danse doit pouvoir être créatrice d’emplois pour occuper une bonne partie de la
jeunesse malienne », a indiqué Lassina Koné. Avant de soutenir que l’Art
et la culture, dans le contexte malien, peuvent participer à la création de la
richesse économique pour notre pays.
Partant du
constat que toutes les opportunités sont aujourd’hui centralisées à Bamako,
Lassina Koné est persuadé que l’initiative de l’Association Don Sen Folo, va
offrir une égalité de chances aux artistes de notre pays, en leur offrant les
outils et en les aidant à concentrer leurs énergies sur un véritable projet de
vie artistique chez eux, auprès de leurs concitoyens.
« Nous
voulons former des personnes qui réfléchissent et construisent leur avenir dans
leurs régions à partir de ce qu’ils ont. Nous pensons qu’il est important de
leur montrer les perspectives qu’ils peuvent y avoir. Mais, il est également
important de les accompagner à la réalisation de leurs projets », a-t-il
déclaré. Selon lui, cette démarche que justifie que la formation soit étalée
sur trois ans. « Nous voulons que leurs réflexions et leurs idées
murissent et s’enrichissent de leurs expériences et de leurs rencontres. C’est
pourquoi, nous avons sélectionné des stagiaires qui ont le désir d’apprendre et
d’entreprendre pour le futur de leur pays », a-t-il ajouté.
Mieux, il espère qu’une telle initiative qui vient s’ajouter à des initiatives
déjà existantes comme celles initiées par de nombreuses structures comme Donko
Seko, le Conservatoire des Arts et Métiers Multimédia Balla Fasséké Kouyaté, la
compagnie Welekan, la Maison des Arts ou la compagnie Graine de Danseurs, à
faire reconnaître la profession de danseur.
« Nous
souhaitons avec cette formation changer les mentalités en formant les artistes
dans leur domaine spécifique qu’est la danse et l’écriture chorégraphique, mais
aussi en les formant pour qu’ils deviennent les entrepreneurs de leur propre
futur », a-t-il précisé. Avant d’ajouter « nous voulons travailler
sur leur engagement véritable envers leur Art, mais aussi envers leur
société ». Dans tous les cas, Lassina Koné ne souhaite pas que cette
formation produise de simples interprètes ou créateurs, mais qu’elle aide à
avoir bâtisseurs d’avenir, engagés pour le futur culturel de leur pays.
« Nous voulons à travers cette formation
montrer qu’il est possible de vivre de son Art en faisant les choses avec ce
que l’on a. Aujourd’hui les artistes doivent être créatifs sur scène, mais
aussi au niveau de la médiation avec le public, de l’administration, de la
recherche de financements… », a-t-il indiqué. Et, comme pour joindre
l’acte à la parole, dans le cadre de cette formation, toutes les dispositions
sont prises pour que les jeunes stagiaires rencontrent des acteurs culturels
confirmés pour des échanges constructifs.
Quand le vécu inspire un programme
Tout porte à
croire que Lassina koné est parti de son propre exemple pour construire le
programme « Corps pour le 22ème siècle ». Il ne veut pas que les
jeunes passent par tous les chemins difficiles qui lui ont été imposés. Et,
c’est sûr, s’il avait pu bénéficier d’une telle formation à ses débuts, il a
allait pourvoir éviter bon nombre de difficultés qu’il a rencontré dans son
parcours artistique de danseur. Mais, comme à cœur vaillant rien n’est
impossible, Lassina Koné est aujourd’hui un nom sur la scène de la danse dans le
monde.
C’est en
2010, que Lassina Kone a décidé de construire son propre centre de danse dans
son quartier à Kalaban-Coro à Bamako. Quartier périphérique, pour ne pas dire
excentré, Kalaban-Coro n’avait pas d’offres culturelles. L’accès à la culture
n’y était pas encore à l’ordre du jour.
Et, quand la
détermination de Lassine Koné a rencontré des partenaires soucieux de la
promotion des activités culturelles, son projet de Centr’Art Don Sen Folo y
devient une réalité. Et, depuis sa création, le centre conscient de sa mission,
ne rate aucune occasion pour des programmations culturelles.
Ainsi, en février 2017 l’association organise, grâce aux soutiens financiers de
partenaires comme la Coopération Suisse, l’Institut Français du Mali, le Cercle
Culturel germano-malien et Acte Sept Bamako, sa première formation dédiée aux
danseurs professionnels des régions du Mali. Cette initiative a permis de
former 18 artistes en danse et en administration durant trois semaines.
Ensuite de
mai à juillet 2017, dans le souci de faire la promotion de la danse et surtout
de rendre accessible le produit culturel, l’association Don Sen Folo a initié
son programme « Ton-Spectacle » pour proposer des spectacles aux
femmes des Tontines de Kalaban-Coro, avec le soutien de personnalités locales,
la Coopération Suisse et Acte Sept. Ensuite, il eut le concept de spectacle
« Sougou Taa Wati », où des spectacles de danse étaient proposés dans
les marchés aux heures de pointe.